Submitted: janlemoux juillet 26, 2023


A la faveur d’une communication du Ministère chargé des Petites et Moyennes Entreprises, du Commerce, de l’Artisanat et du Tourisme, différents médias ont relayé des informations totalement fantaisistes concernant l’impact environnemental du ticket de caisse. Two Sides souhaite rétablir les faits à ce sujet.

Une mesure de bon sens qui ne nécessite pas d’être appuyée par du greenwashing

La loi AGEC, promulguée en février 2020, a prévu que le consommateur, s’il souhaite un ticket de caisse papier ou un reçu de carte bancaire, doive en faire la demande. Cette mesure prévoit donc simplement de laisser le choix au consommateur. Il convient de présenter cette mesure pour ce qu’elle est : un moyen de ne pas imprimer un ticket de caisse s’il n’est pas nécessaire. Ni plus ni moins.

Un principe de bon sens, finalement : de fait, le ticket de caisse est utile (que ce soit pour la vérification des achats, comme justificatif de frais, pour un échange, pour servir de garantie…) et le report de cette mesure à deux reprises par le gouvernement, en période de forte inflation, l’a démontré. Une présentation du ticket de caisse comme étant inutile et systématiquement jeté après usage ne repose donc sur aucune réalité.

Une présentation des impacts environnementaux du ticket papier totalement fantaisiste

A l’appui de cette mesure, le Ministère chargé des Petites et Moyennes Entreprises, du Commerce, de l’Artisanat et du Tourisme a jugé bon de mettre en avant des arguments environnementaux. Cela n’était pas nécessaire, a fortiori s’ils reposent sur des données sans aucun rapport avec la réalité. On trouve ainsi régulièrement repris les chiffres folkloriques suivants :

  • 150 000 tonnes de papier seraient utilisées pour produire les tickets de caisse utilisés chaque année en France. L’origine de ce chiffre est obscure et semble provenir d’un travail d’étudiants qui n’a jamais été vérifié. Il est faux. Le tonnage utilisé est en réalité de moins de 3 000 tonnes (1), soit 0,1% (2) des quantités de papier consommées en France.
  • 18 milliards de litres d’eau seraient consommés. Au regard de ce qui précède, ce chiffre non sourcé est largement surévalué. Les prélèvements d’eau douce en France s’élèvent à 32,8 milliards de m3(3), l’industrie papetière représente seulement 0,5% de ces prélèvements totaux (3). Ce chiffre porte en outre à confusion entre prélèvement et consommation et on rappellera que 92% (4) de l’eau utilisée par l’industrie papetière française est restituée à l’environnement après avoir été traitée.
  • 25 millions d’arbres seraient coupés, ce qui là encore relève d’une forme de fantasme (quelques milliers d’arbres seraient en réalité nécessaires). Outre le défaut d’ordre de grandeur précédemment évoqué, ce chiffre montre une méconnaissance fondamentale de la production du papier. Le bois utilisé en France provient de forêts gérées durablement ou de sous-produits de la filière. Il est en premier lieu prélevé pour la construction (bois d’œuvre). En conséquence, la production de papier n’est pas une pression supplémentaire sur les ressources naturelles, mais une optimisation de l’usage d’un bois prélevé de toute manière, pour d’autres usages. (5)

Les impacts environnementaux et sociétaux du numérique passés sous silence.

Différents médias ont également profité de cette mesure pour célébrer l’alternative, prétendument vertueuse grâce à la « dématérialisation », du ticket numérique. Sur ce sujet, on rappellera que :

  • La loi ne prévoit aucunement le ticket numérique comme alternative au ticket papier.
  • En toute logique, si le ticket de caisse papier est inutile, selon la présentation qui en est faite parfois, on ne voit pas en quoi un ticket numérique deviendrait soudainement utile.
  • Selon l’ADEME, d’un point de vue environnemental, le papier ou le numérique doivent être choisis selon la durée d’usage prévue. Or en stockant pour un temps long des données sur des serveurs, ou dans le cache et la boîte mail des appareils des consommateurs, le ticket numérique se trouve de facto dans la situation d’un usage long, pour lequel le papier doit être privilégié.
  • La « dématérialisation » n’a rien d’écologique. D’ailleurs elle n’existe pas : les équipements nécessaires pour faire fonctionner le ticket numérique sont bien matériels. Ils nécessitent de l’énergie, de l’eau et de nombreuses ressources naturelles. Ils sont au surplus très mal recyclés. Au contraire le papier est produit à partir d’une ressource naturelle renouvelable et il est très bien recyclé. Le collectif GreenIT a d’ailleurs établi que le ticket numérique aurait une empreinte carbone supérieure à celle du papier, représentant des dizaines de milliers de tonnes de gaz à effet de serre supplémentaires.

Outre son impact écologique avéré, le ticket numérique est aussi une source de capture de données personnelles, permettant d’identifier les habitudes de consommation du citoyen et de multiples autres informations. A tel point que la CNIL a jugé bon de rappeler le cadre juridique applicable en la matière.

Lorsqu’il s’agit d’environnement, il n’y a pas lieu d’être moins vigilant sur les sources de données.

Diverses « start-ups » prétendant offrir une solution écologique alternative au papier relaient de nombreuses informations fausses ou trompeuses sur le ticket papier. « Lorsqu’il s’agit d’environnement, il n’y a pas lieu d’être moins vigilant sur les sources de données. Comme pour toute information publiée, nous appelons les journalistes à vérifier leur source, à vérifier les ordres de grandeur, et à ne pas reprendre sans les questionner les allégations d’entreprises ayant un intérêt dans le développement de services numériques. » rappelle Jan Le Moux, Country Manager de Two Sides pour la France. « Two Sides est là pour rétablir les faits sur la performance environnementale du papier et répondre à leurs questions. »

Sources des données (à la demande générale, et notamment des fournisseurs de tickets dématérialisés qui ne semblent pas connaître les chiffres du papier dont ils critiquent les impacts environnementaux – sic) :
     (1) pour un ticket classique de 8×5 cm, d’un grammage habituel de 48 g/m², et pour 12,5 milliards de tickets (chiffre habituellement mis en avant, bien que sa source soit inconnue), le tonnage des tickets de caisse est donc inférieur à 3 000 tonnes. Ce tonnage est près de 50 fois plus faible que celui annoncé. Même en exagérant la taille du ticket, il restera très inférieur aux chiffres diffusés.
     (2) Selon l’ADEME, la consommation de papier graphique s’élève à 2 482 000 tonnes en 2022 [donnée mise à jour pour 2022]. Le tonnage calculé précédemment, inférieur à 3000 tonnes, représente donc environ 0,1% de la consommation. Soit une part marginale.
     (3) Source : Plan Eau 2023 du Ministère de la transition écologique & COPACEL. La part de ces prélèvements correspondant aux tickets de caisse (0,1% de la consommation de papier, cf. point précédent) est donc ici aussi marginale.
     (4) Source : COPACEL.
     (5) 43% de la production de papier graphique en France est issue du recyclage. Concernant l’approvisionnement en bois de l’industrie papetière française, il est à 94% d’origine française. Il provient à 25% des sous-produits du sciage et à 75% de coupes d’entretien des forêts. Source : COPACEL, rapport statistique annuel 2022. Pour comprendre l’usage du bois, et en quoi le papier est issu de sous-produits de la filière, voir également ici.